Newsletter de Avril

Chers amis, chers clients,

Je pense bien à vous en ces moments difficiles où le monde s'est figé dans un confinement imprévisible, et peut-être appelé à durer. J'espère que vous et les vôtres restez en bonne santé, et trouvez des activités intéressantes à faire. La vie nous donne l'occasion de faire le point, ou d'effectuer ce que nous ne trouvions pas le temps de faire. Profitons de ce moment hors du temps. Pour relativiser nos angoisses, pensons que 98% des personnes infectées s'en sortiront sans trace, et que nous vivons dans un système de santé qui montre son efficacité, même s'il y a des couacs, et le remarquable dévouement de ses blouses blanches.

Le monde entier a peur de cette maladie inconnue venue des chauves-souris, sans vaccin, qui touche très différemment ses victimes, certaines l'éprouvant à peine, mais les personnes âgées et faibles pouvant facilement en mourrir. La réponse des pouvoirs publics a été en grande majorité le confinement, peu de pays assumant de continuer à vivre normalement (la Suède et les Pays-Bas en Europe, et les Etats-Unis et le Brésil en Amérique) sans pouvoir contrôler le nombre de victimes. Le Royaume Uni a hésité, puis confiné. Plonger les économies dans la recession du jour au lendemain n'avait jamais été fait, même en temps de guerre. Le dilemme est simple : ne pas arrêter l'économie et assumer un grand nombre de victimes, ou mettre la vie en premier, suspendre l'économie et confiner. Et bien sûr, même en confinant, avec une modélisation rassurante, le rythme et les conditions de sortie de ce cycle morbide sont les grands inconnus de l'équation.

La Chine, pays source du virus a été capable de le contrôler et de le réduire, grâce à un confinement très strict. La Corée du Sud, bien préparée et moins coutumière des manipulations de chiffres, a montré le même succès contre l'épidémie : il est donc possible de s'en sortir rapidement. L'Europe, avec un décalage de deux mois, est bien plus durement touchée (ce qui amène à se poser des questions sur la véracité des chiffres chinois) et avale la même pilule amère. Elle met en place des confinements aussi stricts, sans grande concertation entre pays toutefois. La stabilisation des contagions et décès se fait attendre, mettant à genoux les systèmes de santé de l'Espagne et l'Italie, et commence à peine. La France n'est pas vraiment en meilleure forme, mais le pouvoir central est peut-être plus fort, et suit la même voie.

Sur les marchés financiers

La finance broie du noir, et la forte baisse des marchés, jamais vue depuis 90 ans, est due à la conjonction très inopportune de ce choc exogène sidérant et d'un choc géopolitique pourtant pas défavorable, la baisse du pétrole. La panique s'est installée sur les marchés, avec une capitulation ultra-rapide qui nous a envoyés directement en marché baissier, "bear market" au terme d'un cycle économique très long, puisqu'il a commencé en 2009. Cette chute acte d'une récession inévitable aux premiers et deuxièmes trimestres 2020, certains la prévoyant plus longue, jusqu'en 2021 et au-delà. Ce mode panique a été suivi d'un rebond de plus de 20%, qui lui nous envoyait en "bull market". Bref, pour l'instant les marchés ne savent plus où ils en sont.

Le soutien s'est organisé très vite...

Toutes les Banques Centrales ont réagit vite et fortement, comme jamais, chacune baissant ses taux. La BCE, après un premier oral raté de Mme Lagarde, va déployer des sommes gigantesques à stabiliser le marché de la dette, garantir la liquidité de tous les intervenants, et à protéger le secteur bancaire. Idem pour la Fed, qui a baissé ses taux de 1.50%.

Les gouvernements ont aussi tous mis la main au portefeuille (même les Allemands!) et vont soutenir l'économie au travers de différents instruments comme des reports d'imposition et de charges, de garanties de prêts, de chômage partiel, quel qu'en soit le coût...En Europe, le manque de confiance Nord-Sud, empêche l'émission d'Euro-Bonds, obligations communes qui bénéficieraient de taux d'emprunt très bas, mais chaque pays va relancer son économie, faisant explorer le plafond de 3% maximum de déficit budgétaire annuel. Nous verrons comment la Commission Européenne réussira à agir, après une promesse de 100Md€. Bref, la réaction sera à la hauteur.

Même la querelle pétrolière pourrait se résoudre

Le bras de fer entre deux machos puissants, Poutine et MBS, qui a envoyé le pétrole au tapis, aurait en d'autres temps été très apprécié des marchés, comme il va l'être par les consommateurs américains et européens de pétrole. Mais les marchés se concentrent sur les dommages de cette guerre sur les grandes compagnies pétrolières et sur la jeune industrie du pétrole de schiste américain. Les Saudiens ont les moyens de maintenir des prix bas, ce qui est moins sur pour les Russes, mais il est probable que Trump fera pression pour sauver son industrie du schiste, au risque de voir beaucoup d'emplois perdus, avant les élections...

Et les marchés maintenant ?

L'épidémie touche maintenant gravement la ville la plus dynamique du monde, New York, et la plus grande économie du monde : si Trump a minimisé la pandémie, et refuse de figer l'économie par un confinement, l'explosion immédiate du chômage secoue l'économie et son électorat. Un président est habituellement reconduit sur la bonne santé de l'économie. Or l'échéance est dans 6 mois... et tout se dégrade spectaculairement, dans une récession rarement vue. Les Américains se confinent déjà d'eux-mêmes prudemment sans attendre l'Etat Fédéral, mais leur système de santé fait peur, l'état ne s'occupant pas beaucoup de la santé de ses citoyens, en particuliers des plus pauvres. S'ils ne peuvent pas se payer les soins, et sont obligés de travailler tout en étant malades, l'épidémie continuera à se répandre. Seul le confinement semble fonctionner actuellement, dans l'attente d'un vaccin, et le gouvernement fédéral ne l'a pas encore décrété... Les marchés sont dans l'expectative, et craignent que la panique ne continue tant que le bout du tunnel n'est pas en vue aux Etats-Unis, et que les chiffres économiques continuent à se dégrader.

V, W ou U ?

L'ampleur des sommes et mécanismes mis en place pour relever l'économie tient du jamais-vu. Et le rebond devrait donc être fort et rapide.

Rebond en V, en W ou en U ? Tout va dépendre de la durée et de l'intensité de la pandémie.

La discipline des Chinois et des Coréens (mieux préparés) a permis de l'enrayer en deux-trois mois.

En Europe, c'est plus émotionnel mais en bonne voie, comme en Espagne ou en Italie. L'information omniprésente amplifie nos doutes et nos peurs, les chiffres des victimes se dégradant chaque jour avant de s'améliorer. Avec un peu moins d'autoritarisme chez les gouvernements démocratiques, cela devrait prendre un peu plus longtemps, puis il faudra encore quelques mois pour déconfiner et tout remettre en ordre de marche.

Aux Etats-Unis, Républicains et Démocartes se sont mis d'accord pour un énorme plan de soutien très keynésien, (2 000Mds$ voire plus), avec des chèques à tous les citoyens (premier exemple d'"helicopter money"). Néanmoins le marché du travail s'effondre, et 10 millions d'Américains viennent de se retrouver au chômage du jour au lendemain. Ce chiffre va encore enfler, car il n'y a pas vraiment de stabilisateur social. Le mois d'avril va être très éprouvant, plein de doutes, avant que le pic de l'épidémie n'y soit atteint. Mais cette économie est très flexible, et peut rebondir vite et fort (et elle a Trump comme super héros !)

Alors, un rebond en V est-il possible ? Il se produira quand les statistiques sanitaires se stabiliseront et que la peur se dissipera, ce qui pourrait être assez rapide. Son intensité sera à la hauteur des peurs que le virus a engendrées, mais un U semble plus probable q'un V, la durée et les modalités de sortie du confinement étant une grande inconnue. Chaque mois de confinement coûtant plus de 2 points de PNB, on peut toutefois penser que les hommes politiques hâteront la maneuvre, et remettront rapidement les forces productives au travail.

De la sueur et des larmes à court terme donc, et encore quelques réactions de panique à prévoir sur les marchés financiers, avant de nous en sortir renforcés.

Ce type de choc laisse des traces, et les leçons de cette crise seront fortes. S'il semble difficile d'échapper à la globalisation, du moins doit-on éviter ses écueils et la dépendance qu'elle a créée, et ne pas se laisser surprendre par ses conséquences. Bien des économies avaient baissé la garde, et il y aura des voix pour reprendre nos destins en main. La forte baisse de la pollution, entre autres, aura été une découverte pour beaucoup, et présentera un des cadres possibles de développement.

Bref (très bref) état des lieux par classe d'actifs

Actions

La panique a commencé par frapper les marchés sans discrimination, puis à revenir fortement à la hausse, et actuellement à hésiter, l'épidémie n'ayant pas atteint son pic. Certains on dû vendre pour retrouver des liquidités et cela ne s'est pas toujours fait dans la dentelle. D'un autre côté, le rebond récent montre qu'il y a beaucoup de liquidités placées sans grande rentabilité et impatientes de s'investir.

Ce qui était cher est plus cher (en termes relatifs!), et ce qui était bon marché s'est effondré.

Les valeurs "croissance" ont bien baissé, mais moins que les actions "value", parfois endettées, délaissées dans un environnement perçu comme plus difficile. Certains secteurs sont durablement fragilisés (transports, hotellerie, tourisme, financières..,), d'autres appelés à rebondir. Un secteur unaniment plébiscité : le digital, et surtout la santé digitale.

Le marché actions n'est pas encore stabilisé, et il est peut-être un peu tôt pour y réinvestir. Néanmoins des niveaux inférieurs de 10%-15% sont indéniablement des niveaux d'achat sur le long terme.

Obligations

Les taux des emprunts d'Etat n'ont pas trop bougé, mais les spreads (différentiel entre différents types d'emprunt, par exemple entre états et Entreprises) ont fortement monté, et les prix ont donc beaucoup baissé. Ce qui rend certaines dettes intéressantes, un rendement attrayant s'étant reconstitué.

L'explosion de l'endettement de chaque pays pour lutter contre le virus, va créer une offre de dette considérable, mais qui ne devrait pas être inflationniste, les Banques Centrales ayant promis de raffler tout ce papier. Les emprunts d'Etat vont donc rester chers. De même les spreads entre l'Allemagne et les pays européens plus fragiles, qui avaient explosé, devraient se resserrer.

Les emprunts des entreprises devraient se ré-apprécier, surtout pour les sociétés de qualité d'investissement, mais pas avant le rebond des marchés actions. Pour le High-Yield, leur rendement fait un pic digne d'une crise grave, et les taux sont appétissants, mais il va falloir compter avec des défauts probables de certaines entreprises, encore difficiles à évaluer.

Les produits structurés sont redevenus intéressants, avec des coupons plus élevés, et des niveaux d'indices de référence plus bas. Ils peuvent constituer une bonne alternative aux fonds euro, durablement à la baisse.

Immobilier

Il est trop tôt pour dire ce qui se passera sur le marché résidentiel, après un arrêt total des transactions de plusieurs mois. Les taux d'emprunt restant bas, l'incitation à acheter devrait rester forte. Qu'en sera-t-il pour des marchés déjà chers ou très chers (Paris, grandes villes) ? Attendons la rentrée de septembre pour voir les tendances.

Les rendements des SCPI vont un peu souffrir cette année, M. Macron ayant permis aux entreprises les plus fragiles de différer de payer leur loyer, et certaines (petites) entreprises ne pouvant pas payer sans recettes. Néanmoins les valeurs des parts ne devraient pas être trop affectées à moyen terme.

Les OPCI, ayant un compartiment financier investi dans des actions, comme par exemple dans les foncières cotées, souffriront davantage, avant de se stabiliser, et de remonter.

Les foncières cotées, bon investissement à long terme, sont redevenues intéressantes, surtout dans des fonds diversifiés.

A votre disposition pour partager sur ce nouveau contexte, et son potentiel.

Espérons que notre monde sortira plus fort de cette épreuve !

Bien à vous

Hervé Langlet